dimanche 21 juin 2015

Comtes de Champagne (6)

Henri II 1187-1197, roi de Jérusalem 1192-1197

Né le 29 juillet 1166, Henri n'est pas majeur au décès de son père, Henri Ier le Libéral, le 16 mars 1181 et c'est la comtesse Marie qui continue la régence qu'elle a commencée en 1178. Cette régence est juste marquée par une estocade contre le roi de France Philippe Auguste en association avec le comte de Flandre. Mais la comtesse se retire et le comte de Flandre est forcé d'abandonner Amiens et le Vermandois.
Avec les anglais, Philippe Auguste reprend la politique de son père qui consistait à stimuler l'ambition des fils d'Henri II dit le Plantagenet. L'ainé Henri qui était déjà couronné roi d'Angleterre est décédé en 1183. Il fait le deuxième, Geoffroi, sénéchal de France mais celui-ci décède en juillet 1186 et donc il se rapproche de Richard.

Henri fait une tentative pour épouser l'héritière du comté de Namur et du Luxembourg mais il se heurte à l'hostilité conjointe de Frédéric Barberousse, empereur d'Allemagne, et de Philippe Auguste qui, ni l'un ni l'autre, souhaitent avoir un vassal aussi puissant.

En 1188, Henri II participe à l'ost contre Henri Plantagenet où Philippe Auguste et Richard Cœur de Lion chevauchent côte à côte. Après la prise d'Angers, Tours et Le Mans le Plantagenet fait sa soumission début juillet 1189 et meurt le 6 juillet. La guerre terminée, les deux rois décident de partir ensemble en Terres Saintes. En effet, après le désastre de Hattîn, il ne reste plus aux francs que Tyr dont Saladin lève le siège le 1er janvier 1188.

Henri prend aussi la croix (à cette époque cela veut dire partir pour la croisade). Avant de partir, il fait jurer à ses barons réunis à Sézanne de reconnaître son frère Thibaud comme son héritier s'il ne revenait pas et il nomme sa mère, la comtesse Marie, régente.
A la fin de l'été 89, Gui de Lusignan a entrepris le siège d'Acre. Henri et les champenois débarquent le 27 juillet 1190. Il n'y a aucune nouvelle de Frédéric Barberousse qui est pourtant parti avec son armée à l'été 89. Henri de Champagne est tout de suite nommé responsable du siège en remplacement de Gui de Lusignan dont ses hommes ont perdu toute confiance en lui.
Frédéric de Souabe, le fils de Barberousse, arrivera plus tard avec les débris de l'armée. Barberousse est mort noyé en traversant le Sélef à quelques pas de la Terre Sainte et, découragée, une grande partie de ce qui restait de son armée a rebroussé chemin.
Le 30/03/1191, Philippe Auguste part le premier de Sicile et arrive 20 jours après. Richard arrive deux mois plus tard, le temps de conquérir Chypre dont le prince avait eu la mauvaise idée de prendre en otage le bateau de sa sœur. Avec ces renforts, principalement celui de Richard, Acre tombe le 13 juin 1191. Richard paye à Henri en argent comptant ses frais de siège alors que Philippe Auguste lui proposait une hypothèque sur la Champagne (Richard comme Philippe sont tous les deux les oncles d'Henri).
Sibylle, reine de Jérusalem est décédée pendant le siège d'Acre et Gui de Lusignan n'a plus aucun droit sur la couronne. Isabelle, la demi-sœur de Sibylle est mariée à Onfroi de Toron mais les barons francs estimant qu'il n'a pas la carrure pour porter la couronne, l'écartent et après bien des bagarres entre français et anglais, décident qu'elle épousera Conrad de Montferrat. Une fois le problème de la couronne de Jérusalem réglé, Philippe Auguste surprend tout le monde le 28 juillet 1191 en décidant de rentrer en France. Henri est l'un des garants du serment qu'il fait à Richard de ne pas nuire au roi d'Angleterre tout "le temps qu'il sera en Terres Saintes" (si il a à peu près respecté ce serment le temps que Richard était en Terres Saintes, Philippe agira franchement contre l'Angleterre, aidé de Jean Sans Terre, pendant les deux ans où Richard sur le retour sera le prisonnier de l'empereur Henri VI).
Mais au printemps 1192, Conrad de Montferrat est mortellement poignardé à Tyr. Henri est l'homme providentiel qui réunit les espérances de la France et de l'Angleterre. Il épouse le 5 mai 1192 Isabelle, héritière de la couronne et devient ainsi roi de Jérusalem. Certes la mariée est belle, mais il n'a aucun espoir sur la succession puisqu'elle est déjà enceinte (voir la généalogie des rois de Jérusalem). Quand à Gui de Lusignan, il rachète Chypre à Richard et ainsi sa famille y régnera jusqu'au XVIe siècle. Malgré ses nombreuses victoires, Richard Cœur de Lion a appris à connaître Saladin et sait qu'il ne le vaincra jamais totalement. Aussi après la prise de Jaffa, il signe une trêve de trois ans et rentre en promettant de revenir, ce qu'il n'aura jamais l'occasion de faire.

Pour Henri, la gestion du royaume de Jérusalem n'est pas une mince affaire. Il doit se battre contre les marchands italiens qui pour conserver leurs comptoirs sont les bailleurs de fonds mais veulent aussi tout commander. Il se bat aussi contre Amaury de Lusignan (le frère de Gui) qu'il emprisonne d'abord et libère ensuite en prévoyant avec lui le mariage de sa fille Alix avec son fils ainé Hugues; Alix sera ainsi reine de Chypre et aura dans ses descendants les deux derniers rois de Jérusalem. Saladin décède le 5 mars 1193 et Henri continue la même politique de paix.
Mais le 24 mai 1195, l'empereur Henri VI prend la croix. L'avant-garde germanique se comporte avec arrogance et les bruits d'armes réveillent les musulmans qui attaquent Jaffa : c'est à nouveau la guerre. Henri II de Champagne, roi de Jérusalem, décède à l'âge de 34 ans le 10 septembre 1197 en tombant "accidentellement" de la plus haute fenêtre de son château d'Acre; il n'y aura pas d'enquête ! C'est Amaury de Lusignan, roi de Chypre qui épouse Isabelle de Jérusalem et dès la mort de l'empereur et la dispersion de son armée, il s'empresse de rétablir la trêve avec le sultan.

Ces cinq ans passés par Henri II à la tête du royaume de Jérusalem vont coûter très cher à la Champagne. Déjà la comtesse Marie a ponctionné les revenus de la Champagne pour soutenir financièrement son fils pendant cinq ans mais il y a aussi le testament que celui-ci avait signé avant de partir, faisant de son jeune frère Thibaud son héritier s'il ne revenait pas. Et les deux filles qu'Henri a eues avec Isabelle, Alix et Philippine, feront payer très cher leur renonciation à l'héritage de leur père.


Régence de Marie de France, 1197-1198

Au décès d'Henri, son frère Thibaud né en 1179, n'a pas encore l'âge de régner. C'est donc la comtesse Marie qui continue sa régence mais elle décède le 5 mars 1198.
Philippe Auguste est alors en proie à une coalition formée autour de Richard Cœur de Lion, coalition où on retrouve plusieurs proches de Thibaud comme son beau-frère, Baudouin IX comte de Flandres ou Louis de Blois son cousin et vassal. Soucieux de l'attirer à lui, Philippe Auguste le reçoit en hommage à Melun en avril 1198.

Thibaud III, 1198-1201

En janvier 1199 le pape Innocent III impose une trêve de 5 ans alors que Philippe Auguste à bout de force a perdu toutes ses conquêtes sauf Gisors. Mais Richard Cœur de Lion meurt d'une flèche perdue le 25 avril 1199. C'est Jean Sans Terre qui lui succède et sa médiocrité (supposée) fait ressortir Aliénor d'Aquitaine de Frontevrault où elle était retirée depuis 5 ans. Elle obtient comme garantie de la paix le mariage du futur Louis VIII avec sa petite-fille, Blanche de Castille. Le mariage a lieu le 23 mai 1200 en Normandie car le royaume de France est frappé d'interdit à cause de la liaison coupable de Philippe Auguste avec Agnès de Méranie.

Thibaud III a épousé le 1er juillet 1199 à Chartres Blanche de Navarre, sœur du roi de Navarre Sanche VII le Fort et de Bérangère, la veuve de Richard Cœur de Lion. Au tournoi qu'il organise pour fêter son mariage, Thibaud surprend tout le monde en faisant un appel à la croisade. C'est le maréchal Geoffroi de Villehardoin qui va traiter avec les vénitiens le passage en bateau, le départ étant prévu pour la saint Jean 1202. Quand celui-ci revient le comte est malade et il décède le 24 mai 1201. Sa femme Blanche devient régente; elle est mère d'une fille Marie et enceinte d'un deuxième enfant, le futur Thibaud IV.

Quant à la croisade prêchée par Thibaud, elle n'ira jamais en Terres Saintes et aboutira à la prise de Constantinople en 1204 dont son beau-frère le comte de Flandre deviendra empereur.