lundi 24 février 2014

La Grande Croix des Hospitaliers


La Grande Croix se trouvait à mi-chemin entre Villeneuve-les-Bordes et Coutençon à l'emplacement exact de celle qui aujourd'hui honore les morts du 17 février 1814. Voici donc son histoire :

Marie de Champagne est la fille d’Henri le libéral, comte de Champagne, et de Marie de France fille de Louis VII et d’Aliénor d’Aquitaine. Son frère aîné Henri II, comte de Champagne, va devenir en 1192 roi d’Israël. Après son décès, c’est leur petit frère, Thibault III, qui sera comte de Champagne (voir la généalogie des comtes de Champagne).
Marie a épousé Baudoin IX, comte de Flandre et de Hainault. Ils s'engagent tous les deux dans la 4e croisade en 1202, mais comme elle vient juste d’accoucher de leur deuxième fille, elle est trop faible pour partir avec son mari. Elle le rejoindra plus tard.
Avant de partir, en 1203, Marie lègue la seigneurie de Coutençon aux Chevaliers de l’hôpital Saint Jean de Jérusalem. Ils sont appelés couramment les Hospitaliers car l’Ordre a été créé pour aider les croisés blessés. Lors de la dissolution de l’Ordre des Templiers, ils hériteront d’une partie de leurs biens et plus tard ils deviendront les Chevaliers de Malte. Ce legs est fait en échange de messes et de prières pour le repos de son âme et de celle de son mari.
La quatrième croisade n'ira jamais jusqu'aux Lieux Saints. Elle s'arrêtera à Constantinople que les croisés saccageront. Baudouin va être élu par les autres chevaliers, 1er empereur de Constantinople le 16 mai 1204. Marie, partie le rejoindre, n’arrivera jamais. Elle décède le 9 août 1204. Quand à Baudouin, il disparaît le 15 avril 1205 lors d’une bataille contre les Bulgares; on ne sait s’il est mort sur le champ de bataille ou en prison.

Le seigneur de Villeneuve-le-Comte (aujourd’hui Villeneuve-les-Bordes) accompagne le legs de Marie de Champagne en donnant aux Hospitaliers le fief de Nuisement situé à mi chemin entre Coutençon et Villeneuve. Pour remplir leur obligation d’hospitalité et ainsi décharger leur hôtel de Coutençon, les chevaliers font construire sur ce fief, le long du grand chemin, une auberge métairie que le fermier cultive, à charge d’héberger les voyageurs et pèlerins. Ils érigent une chapelle et pour bien l’indiquer aux voyageurs, ils élèvent une haute croix en pierre qui donnera son nom de Grande Croix à l’ensemble de ce lieu.
Ce fief est vendu au XVe siècle au sieur de Malassise qui, tout en gardant la ferme des Grands Champs, fait construire à quelques centaines de mètres vers Coutençon le château de la Grande Croix en utilisant les matériaux du château de Nuisement en ruines. Il garde cependant le titre de seigneur de Nuisement. Au début du XVIIIe siècle, c’est la famille Thonier, seigneur de Vimpelles, qui est propriétaire.

Carte de Cassini, XVIIIe - http://www.geoportail.gouv.fr/
Le chemin de Villeneuve-le-Comte à Coutençon n'est pas figuré sur cette carte
 En 1761, les héritiers Thonier vendent l’ensemble de la seigneurie de Nuisement et celle du Grand Hôtel de Vimpelles à Daniel Charles Trudaine, seigneur de Montigny-Lencoup, Villeneuve-le-Comte et autres lieux. Cet achat rentre complètement dans le cadre de la politique des Trudaine depuis la fin du XVIIe siècle : racheter les sous-fiefs de leurs seigneuries pour améliorer la gestion du territoire. Trudaine relit son château de Montigny avec la Grande Croix par une avenue grandiose dite Allée des Quatre Rangs pour la double rangée d’arbres de chaque côté.
Aujourd’hui, 250 ans après, on voit toujours sur les photographies satellites, l’empreinte de cette Allée des Quatre Rangs commençant aux restes du château et finissant à la Grande Croix.

Aujourd'hui - maps.google.fr


lundi 17 février 2014

Campagne de France



Le 17 février 1814, dès trois heures du matin, Napoléon est debout. Mormant est enlevé par le 32e de ligne et les Russes sont poursuivis jusqu'à Maison Rouge, c’est une victoire. L'empereur, qui vient de faire avec ses hommes 94 kilomètres en deux jours, couche à Nangis et envoie le maréchal Victor, dont les troupes sont fraîches, prendre le soir même le pont de Montereau pour couper en deux l'armée de Schwarzenberg dont une partie s'était aventurée jusqu'à Fontainebleau.

La Grande Croix
Entre Valjouan et la Grande Croix sur la route de Villeneuve les Bordes à Coutençon, les hommes de Victor se heurte aux cavaliers bavarois de Lamotte. Le général Gérard engage la bataille et coupe la ligne de retraite des bavarois sur la route de Donnemarie au niveau de la Haye Jutard. Deux cents jeunes cavaliers du 8e Cuirassier se jettent sur les soldats de Joseph II et de Schwarzenberg à coups de sabre, de pistolets et même de pierres, en tuent trois cents et ne font pas de prisonniers... Cet épisode est resté dans l’histoire sous le nom de « bataille de Nangis ».
Le maréchal Victor, estimant ses hommes fatigués, va dormir au château de Salins à sept kilomètres de Montereau. Dans la nuit les autrichiens repassent le pont de Montereau sauvant la cavalerie de Colorédo avancée en forêt de Fontainebleau, le 1er corps aventuré vers Moret et le 5e corps entre Montereau et Bray. Sans l'inaction de Victor, l’armée de Schwarzenberg aurait été coupée en deux et il est fort probable que le cours de la campagne de France en eut été changé (mais avec des si…).
Le 18, l’empereur déjeune à Villeneuve lorsqu'il apprend que Victor n’a pas pris le pont de Montereau mais qu’il a dormi ‘dans des draps blancs’ ; il le limoge sur le champ. Celui-ci viendra le lendemain plaider sa cause, invoquant la fatigue de ses soldats et la réouverture de sa blessure de guerre, et il sera entendu puisque Napoléon lui donnera le commandement de sa garde rapprochée.

Que reste-t-il de ces combats de nos jours ? Sur les registres d’état civil, de la victoire de Guignes le 16 février à celle de Montereau le 18, il n’y a presque rien. Deux morts à Mormant et un à Montigny-Lencoup. A chaque fois, de grands blessés recueillis par des habitants et morts quelques jours plus tard.
Les vieux de Villeneuve racontent que lors du curage de la mare pour rénover le lavoir, les ouvriers ont remonté de nombreux ossements.
En 1866 M. Jacquel, propriétaire de la Grande Croix et maire de Villeneuve a fait reconstruire une croix en hommage aux morts enterrés sommairement dans cet enclos.
Le Comte d’Haussonville a fait ériger à Villeneuve en 1888 une poivrière (colonne triangulaire) pour rappeler l’emplacement de la modeste auberge Lecomble où Napoléon a déjeuné le 18 février, au croisement des D.201 et D.213, en diagonal du château d’eau.

La petite histoire raconte que, pour faire le point sur l’attaque de Montereau, Victor avait réuni son état-major à l’auberge de Montigny-Lencoup où officiait une accorte servante qui l’occupa toute la soirée … La fatigue de ses soldats était une fausse excuse.