Etienne Henri 1089-1102
Henri est né en 1047. Bien avant sa mort,
Thibaud Ier lui a donné en 1074 le gouvernement du comté de Blois.
Il se marie avec Adèle, la fille ainée de Guillaume Le Conquérant. Comme son
père, il va respecter scrupuleusement ses devoirs de vassal.
En 1089, à la mort de Thibaud 1er,
il garde le comté de Blois, Château Thierry, Saint Florentin et Provins et il
rajoute à l'héritage traditionnel le comté de Meaux (peut-être sur les conseils
de son beau-père Guillaume le Conquérant et du coup le roi de France, Philippe
Ier, délaisse Orléans pour se recentrer sur Paris) et il garde bien
sûr la seigneurie sur tout le reste.
Philippe Ier vieillissant est
en proie à une coupable passion pour Bertrade de Montfort (épouse du comte
d'Anjou) et il s'enferme dans le sombre palais de la Cité à Paris (il est
excommunié pour bigamie et inceste). Dans le même temps la cour de Blois brille
de tous feux, la beauté et la culture de la princesse Adèle y attire de
nombreux poètes. Le comte Etienne Henri est maitre d'un domaine beaucoup plus
grand que celui du roi (il a soit disant un château par jour de l'année) et est
sûrement plus puissant que le roi. Pourtant il rêve d'avoir plus et en 1095 ce
rêve c'est Jérusalem, la Terre Sainte qu'il faut libérer des infidèles.
Le pape promettant de donner les terres
à ceux qui les avaient conquises, il y avait déjà eu des croisades, principalement
en Espagne, mais rien à voir avec celle qui restera dans l'histoire sous le nom
de première croisade. Elle est prêchée par Urbain II à Clermont Ferrand,
au cœur de la France, il en profite d'ailleurs pour réitérer l'excommunication
de Philippe Ier. Les pauvres partent en premier et arrivent en 1096
à Constantinople, ils seront tous tués, aucun ne verra la Terre Sainte. Ensuite
partent les chevaliers de Lorraine, Wallonie et Brabant conduits par Geoffroi
de Bouillon. Puis l'expédition du comte de Toulouse. Puis les Normand (ceux
d'Italie du sud). Et enfin les français du nord avec Robert Courteheuse, frère
du roi d'Angleterre, Robert de Vermandois, frère du roi de France et Etienne
Henri, comte de Champagne, bien sûr. Ils arrivent le 14 mai 1097 et commence le
siège d'Antioche en octobre, il se prolongera jusqu'à Pâques 1098. Quand
Etienne Henri apprend par ses éclaireurs l'arrivée de la grande armée turque de
l'émir de Mossoul, il lève l'ancre avec une petite troupe. En passant à
Constantinople, il annonce même à l'empereur que les francs ont été battus. De
retour en Champagne, quelle honte pour lui d'apprendre que les francs doper par
la découverte de la sainte lance ont bousculé l'armée de l'émir et dans la
foulée pris Antioche le 3 juin 1098 puis Jérusalem le 15 juillet 1099.
Sa femme Adèle sera la première à le
pousser à repartir, ce qu'il fera deux ans plus tard. Et il mourra en héros,
face à Ramla en 1102, rachetant ainsi sa couardise. Sa mort donner pour la
gloire de la Champagne fera du pèlerinage à Jérusalem un élément fort de l'histoire
des Comtes.
Hugues 1093-1025
A la mort de Thibaut Ier,
Etienne Henri avait gardé la plus belle part, laissant les restes à ses
demi-frères. Philippe est rentré dans les ordres (il sera évêque de Chalons),
c'est donc Eudes IV qui récupère cette part puis à son décès en 1093, Hugues.
C'est aussi en 1093 qu'il épouse Constance de France, fille aînée du roi
Philippe Ier.
C'est Hugues qui va organiser cet amas
de comtés disparates en une unité et c'est le premier a porté le titre de comte
de Champagne tout en restant le vassal de son demi-frère Etienne Henri puis de son neveu Thibault II.
Tout entier aux affaires religieuses et
à ses prières, il ne s'occupe pas de sa femme. Au bout de dix ans de mariage,
c'est la rupture. C'est Philippe Ier lui-même qui apportera devant
le concile les preuves de la consanguinité, mariage annulé fin 1105.
De 1104 à 1107, Hugues est en Palestine,
sans publicité on ne sait rien de son action. En 1113 il épouse en secondes
noces Elisabeth de Varais, sœur du duc de Bourgogne, mais il ne la rendra pas
plus heureuse que Constance. De 1113 à 1116, il est à nouveau en Palestine. Il
veut rentrer dans les Frères Hospitaliers mais sa femme refuse de faire vœu de
chasteté.
En 1126, convaincu de l'infidélité de sa
femme, il déshérite Eudes, le fils qu'elle a eu et fait de son neveu Thibaud II son héritier (Eudes sera quand
même doté par son grand-père, le duc de Bourgogne et sera tête de lige de la
maison de Champlitte). Hugues repart cette fois pour rejoindre les chevaliers
du Temple. Fondu dans leur anonymat, on ne sait pas où il est mort et enterré.
Son règne, tout en discrétion, fut
pourtant l'époque d'Abélard, de saint Bernard et des Templiers.
Abélard, ses amours coupables avec
Héloïse l'ont cloîtré à l'abbaye de Saint Denis. Après un passage à Saint Ayoul
de Provins, il fonde en 1123 "Le Paraclet" à coté de Nogent sur Seine
qui sera donné à Héloïse en 1129 pour en faire un couvent de femme. Célèbre
théologien, il fut pourtant condamné pour hérésie par le concile de Sens en
1140, avant de décéder en 1142 en paix avec l'église.
Saint Bernard s'installe à Clairvaux en
1115 avec une douzaine de moines venus de Citeaux en Bourgogne. Bernard a 23
ans et est issu d'une famille noble de Fontaine les Dijon. Prière, pauvreté et
salut par le travail manuel, c'est la règle cistercienne ou bénédictine.
L'esprit monastique que développe Bernard est fondé sur l'approfondissement de
soi-même qui conduit à la découverte de l'homme intérieur en rupture avec
l'esprit de Cluny basé sur le rite et la liturgie. Dès 1116 est créé Trois
Fontaines, la première des 164 abbayes-filles que comptera Clairvaux à la mort
de Bernard en 1153.
Lors de ses expéditions en Terre Sainte,
en 1104 comme en 1113, Hugues est accompagné par l'un de ses vassaux, Hugues de
Payns. Celui-ci ne rentre pas en 1116 et avec huit autres chevaliers, il fonde
une milice chargée de protéger les pèlerins. Le roi de Jérusalem leur donne
comme résidence le temple de Salomon, d'où leur nom de chevaliers du Temple
puis Templiers. Hugues de Payns en est le premier grand maître et vient
présenter la "règle" du Temple devant le concile de Troyes en 1129. Deux
cent ans plus tard, en 1307, l'Ordre des Templiers, le plus puissant banquier
d'Europe est à la tête de près de 9000 commanderies. On sait que le 13 octobre
1307, Philippe Le Bel ordonna leur arrestation et que le 12 mai 1310, 54
templiers furent brûlés à la porte Saint Antoine de Paris.
Le livre d'Henri Ehret : "Passe avant le meilleur" ou l'histoire de ces comtes qui ont fait la Champagne, aux éditions Renaissance, Troyes.
Le site Internet d'Arnaud Baudin : http://lamop-intranet.univ-paris1.fr/baudin/
Les livres d'Arbois de Jubainville : Histoire des ducs et comtes de Champagne, 7 volumes.
La thèse de Michel Bur : La formation du comté de Champagne, Nancy 1977.